9 juin 2023
Dans notre histoire, il y a un interlocuteur qu’il va falloir tenter de joindre : c’est le Président de la République Française. Ça tombe bien, on peut lui envoyer un message en ligne…
Bon, maintenant, on appelle l’Elysée », tance Hélène. « Mais je n’ai pas le numéro de téléphone », dis-je un peu décontenancé. Je vais regarder sur Internet… »
Quelques secondes plus tard, je livre le fruit des résultats de ma requête sur Google. En première ligne ressort « écrire mon message – Elysée ». Sacré référencement. Ni une ni deux, me voilà lancé dans le remplissage des cases du formulaire en ligne. Avec, en premier niveau, une première orientation : souhaite-je écrire au Président de la République ou à Madame Brigitte Macron ? Evidemment, je n’ai pas hésité à choisir le récipiendaire de ma future missive.
Pour autant, j’ai été tout de même surpris de voir en premier niveau le choix entre le Président et sa femme. Pour ne rien cacher, je ne trouve pas cette option bien placée car elle hisse la compagne du Président qui rappelons-le aucune fonction prévue dans la constitution au même niveau que le Président de la République. Certains diront que je chipote. Passons.
Une fois ce moment passé, je me lance dans le remplissage du formulaire en ligne. L’ergonomie est simple et fonctionnelle. On passe par le : nom, prénom, adresse, etc. Je dois choisir la raison pour laquelle j’écris en restant l’une des différentes options. Je procède par élimination et je finis par retenir « question d’actualité ».
Le temps du texte arrive. Il y a un espace suffisamment large en nombre de signes pour dire l’essentiel. A ce moment là, je ne pense même plus à la caméra. Je suis dans la salle du conseil municipal, avec, dans le dos, le portrait du Président de la République. Il est un peu trop loin pour pouvoir lire le contenu de mon claviardage. Je n’ai pas pris le temps de faire un brouillon, de murir la forme et le fond. J’ai simplement écrit pressé par le temps qui tourne lorsqu’on ouvre un formulaire en ligne.

Bonjour monsieur le Président de la République,
j’aimerai vous rencontrer pour évoquer le sujet des cahiers de doléances, des doléances écrites par des millions de Français entre décembre 2018 et avril 2019. Je me permets d’utiliser cette boîte de contact direct, comme celle que je propose aux habitants de mon village, pour faciliter les prises de rendez-vous…
Voilà bientôt 5 ans qu’une forme singulière de contestation sociale a émergé dans notre pays à travers l’expression des gilets jaunes. Dans son sillage, des centaines de milliers de doléances ont été rédigées.
En ce qui me concerne, en qualité de maire d’une commune rurale, Auger-Saint-Vincent, l’implication dans l’ouverture des cahiers de doléances a démarré le 8 décembre 2018. Quelques semaines plus tard, en janvier 2019, je faisais partie de la délégation de maires ruraux qui vous a remis les cahiers de doléances issus de notre opération Mairies ouvertes. Nous nous sommes rencontrés un peu plus tard, lors du grand débat, le 29 mars 2019 (jour de mon anniversaire), dans les salons d’honneur de l’Elysée.
Une fois ces éléments précisés, je vous adresse plus directement ma requête.
Je considère en effet que vous n’avez pas tenu votre engagement dans la promesse de rendre public et accessible l’ensemble des doléances pensées puis rédigées par nos concitoyens. Dans mon village, quand un habitant qui a déposé une doléance me demande s’il peut la consulter facilement, je suis contraint de lui dire que non !
Votre décision de confier aux archives départementales les doléances ne répond en rien à votre promesse. Soit votre décision n’a pas été respectée. Ce qui soulève des questions dans l’exécution d’une injonction présidentielle, soit cela confirme le fait que vous le souhaitiez. Dans les deux cas, il est temps de revenir sur cette situation.
J’espère que vous prendrez la mesure de cette décision qui ne participe pas au recouvrement d’un climat de confiance dans notre pays.
Dans l’attente de vous lire, ou de vous entendre, je vous assure de mon profond respect républicain.
Fabrice Dalongeville
maire d’Auger-Saint-Vincent
président de l’Association des maires ruraux de l’Oise
Je relis une fois à voix haute pour les besoins de la réalisation et je respecte les indications du formulaire. Malgré plusieurs tentatives, je n’arrive pas à envoyer le document. Rien n’y fait. Par précaution, je copie le texte dans Evernote. Bien m’en a pris, une fois relancée la procédure se remet à jour sans enregistrement. Il faut donc tout reprendre depuis le début. Je renseigne de nouveau les éléments demandés puis copie colle mon texte. Je pense ici à ces millions de français qui font face à l’e-administration et perdent si rapidement patience devant la complexité sidérale de la modernité numérique bureaucratique ! Cette nouvelle tentative est cette fois la bonne. Mon formulaire est parti à l’Elysée. Nous sommes le 9 juin, en milieu d’après-midi.
Ah j’oubliais. En parcourant la page d’accueil du Président, je tombe sur la lettre de l’Elysée. Intitulé Cocorico, la lettre de l’Elysée, se propose de m’envoyer « un condensé de bonnes nouvelles et d’initiatives citoyennes qui font rayonner la France. » De bon augure pour ma requête.