C’est (trop) politique

4 mai 2023

Pourquoi ont-ils honte de dire que l’action publique est un acte politique ? Pour quelles raisons vide-t-on de son sens le mot « politique » ? Pourquoi faudrait-il apporter des réponses concrètes à des défis politiques complexes ? 

C’est sans doute l’une des réflexions les plus courues dans la vie locale. « Ici, on ne fait pas de politique ». On travaille dans l’intérêt général. Mais quand on entend cette expression au plus haut sommet de l’état dans la bouche même du Président de la République, ça en dit long sur l’état de décomposition de la République française. Le 15 décembre 2021 dans une émission politique, Emmanuel Macron exprime sa pensée du moment : « Je ne fais pas de politique ». Ça sera repris tel quel par les journaux. Je ne sais pas vous, mais il y a tout de même de quoi s’étrangler. Mais comment en est-on arrivé là : par cynisme, par démagogie, par calcul politicien ? 

Cette expression m’a toujours été insupportable. Faire croire que l’action publique n’est pas politique, c’est comme assurer que le grand remplacement est en cours, ou que les jeunes n’aiment pas travailler, que les vieux ne sont que des réactionnaires et que l’homosexualité est une maladie contagieuse. Ne me dites pas de quelle famille politique vous vous revendiquez, montrez-moi vos actions et nous pourrons l’établir.  

Par expérience, les premiers à revendiquer cette non appartenance sont bien souvent de vrais conservateurs, toujours frileux d’assumer leur propre sensibilité politique. Mais au-delà de ce faux nez, ce que cette expression traduit c’est l’état de déliquescence du personnel politique en responsabilité. 

Un fonctionnaire, un haut-fonctionnaire, lui ou elle, peut assumer de dire qu’il ne fait pas de politique. Il est au service d’élus locaux, départementaux, régionaux et nationaux qui eux, font de la politique. Ils ont été élus pour ça, avec un programme dans le meilleur des cas (je n’entre pas dans le débat de la qualité du dit programme). 

A force de manipuler des clichés, on fabrique la mal pensée. C’est Annah Arendt qui éclaire sur cette question de façon magistrale. A force de partager des clichés, on fabrique du vide à pensée. En y ajoutant de la novlangue, on finit par entendre un gloubiboulga inqualifiable, dégoulinant de la certitude, en mode répétition pour s’en convaincre. Ici, ce n’est pas de la fake news. C’est finalement pire. C’est un faux nez qui préserve les intérêts des rentiers, toutes celles et ceux qui ont un intérêt à ce que rien