15 mars 2023
Pourquoi les doléances sont-elles si importantes ? Pour quelles raisons apparaissent-elles pour moi comme une préoccupation, voire plus sûrement comme une obsession ?
C’est comme une blessure. Comme une plaie républicaine béante. Ce n’est certainement pas une séquence, un énième chapitre de la communication politique, un temps qu’il faut enjamber pour passer à autre chose.
La puissance symbolique des Doléances est de même nature que celle du Conseil National de la Résistance. De ces deux symboles puissants que les Français gardent encore à l’esprit, le Président de la République les a déconsidérés, dénaturés, désacralisés. A travers ces décisions, il a mis des coups de masse dans le socle de la République, de la présidence de la République.
Jadis, quand un ministre n’était pas d’accord, il la fermait ou il démissionnait. Quand un Président de la République – ou son gouvernement – voyait qu’il n’était plus en phase avec le pays, il procédait à un référendum ou il prenait la décision de dissoudre l’assemblée. Les florentins privilégiaient parfois un changement de premier ministre.
Dans les temps contemporains, on ne s’engage plus dans de telles voies, on passe d’une séquence à l’autre en espérant que le temps de cerveau disponible facilite l’effacement des impasses politiques qu’on a fabriquées pour éviter de s’attaquer aux racines des difficultés ou des espoirs.
Comme en 1789, les doléances contemporaines sont la descriptions des conditions de vie et des attentes des citoyennes et des citoyens. Elles sont l’expression de leurs besoins, de leurs analyses, de leur ressentis. Les doléances sont des actes politiques. Elles sont des prises de parole à l’instant T. Elles sont par essence démocratique. Elles sont un pharmakon. Remède pour se reconnecter aux citoyens. Poison pour celui qui les jette dans l’oubli.
Les doléances incarnent la vie. Elles ne sont pas construites sur un programme politique. Elles sont la politique en ce qu’elles incarnent une réflexion citoyenne, de proximité, consciente. Elles sont aussi parfois éloignées de la raison. Elles sont la colère, la poésie, la méchanceté, l’écoeurement, l’excès. Elles ne sont pas tendres, elles peuvent être injustes. C’est en cela qu’elles dérangent parce qu’elles n’entrent pas dans les cases des doctrines politiques ou de la bienséance.
Certes, loin de moi l’idée de dire que les doléances sont un « tout ». Elles ne sont l’expression que d’une partie des citoyens à un instant « T ». Mais elles sont là, parmi nous, ni plus ni moins.